Laurence Mathieu

Coach & Consultante RH depuis plus de 15 ans

Laurence Mathieu, Trouver sa voix

Laurence Mathieu est coach et consultante RH depuis plus de 15 ans.

Elle accompagne les organisations dans leurs transformations et les individus dans leurs questionnements professionnels, à travers le recrutement, les bilans de compétences, le coaching individuel et collectif, l’outplacement ou encore la gestion des conflits.

Associée au cabinet Axiales, spécialisé dans l’univers du livre, et fondatrice de DUNE(S), elle collabore également depuis plusieurs années avec RH Partners PACA.

Animatrice d’un club de dirigeants APM, elle place au cœur de son parcours un fil rouge inspirant : créer du lien et éclairer le chemin.

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Nous faisons les bons choix pour nous en allant vers ce qui nous met en vie, jamais en fuyant ce que nous ne voulons plus.

Interviewer : Pourquoi parle-t-on autant aujourd’hui de “trouver sa voie” dans les parcours professionnels ?

Laurence Mathieu :

Je pense que ce besoin est devenu central pour plusieurs raisons. D’abord, parce que l’âge légal du départ à la retraite a été repoussé et pourrait encore l’être avec de nouvelles réformes. Pour tenir 35, 40, voire 45 ans de carrière, il faut trouver un élan qui mobilise, une énergie dans la durée. Et cela n’est possible que si l’on trouve une certaine forme d’alignement. 

Paradoxalement la durée du travail à l’année a considérablement baissé entrainant une baisse de productivité en France qui, malheureusement, se poursuit et le pouvoir d’achat n’augmente plus. Cela change nécessairement la relation au travail. Quand celui-ci ne permet plus de développer ses ressources financières, il peut être important qu’il ait du sens, qu’il procure du plaisir ou de l’utilité. 

C’est Antoine Foucher — ancien directeur de cabinet de Muriel Pénicaud — reçu en janvier dernier dans le club APM que j’anime qui nous a mis face à cette triste réalité : nous n’avons jamais été aussi nombreux à travailler, tous âges confondus, mais nous ne pouvons plus nous enrichir par le travail. Il donnait cet exemple parlant : en province, il faudrait travailler deux fois plus longtemps que nos parents pour espérer pouvoir acquérir le même type de résidence principale. A Paris c’est trois fois plus. Cette réalité fragilise notre rapport au travail et donne un éclairage nouveau à ce que certains appellent une “fracture générationnelle” assortie d’une « flemme ». 

Alors la question peut se poser pour bon nombre de personnes : si le travail ne paye plus; qu’est-ce qui nous donne envie de nous lever le matin ?  

Ainsi trouver sa voie c’est chercher ce qui, au-delà du revenu, nous anime vraiment.

Interviewer : Quels sont les signes qui montrent qu’une personne est véritablement en train de trouver sa voie professionnelle ?

Laurence Mathieu :
Souvent, c’est du mal-être qui manifeste le fait que la personne n’est pas au bon endroit pour elle comme : un épuisement ou un vide intérieur. Ce sont souvent ces sensations-là qui poussent à bouger, à reconnaître que l’on n’est pas à la bonne place. Le fait d’entamer une démarche de bilan ou d’accompagnement est déjà un le signe qu’un processus de désir de changement s’est enclenché.

Ensuite, j’observe un vrai basculement chez la personne quand elle commence à s’approprier son chemin. Il y a une forme de calme intérieur qui revient et le sourire qui va avec. Je pense à une jeune femme que j’ai récemment accompagnée : elle travaille dans un grand groupe industriel, et a de bonnes conditions salariales. Au terme du bilan de compétences que nous avons réalisé ensemble et fort de ce que nous avons fait émergé,  elle a décidé de se reconvertir prochainement en tant qu’aide-soignante. Lors de notre dernier rendez-vous, elle m’a dit à quel point « c’était tranquille à l’intérieur ». Même si ce choix est jugé radical par son entourage. Pour elle c’est une évidence.

C’est souvent cela, le signe: les gens passent à l’action. Ils vont à la rencontre de professionnels, refont leur CV, se projettent. Leur énergie change. Ils reprennent confiance et manifestent de l’envie.

Interviewer : Trouver sa voie, ce n’est pas forcément changer de métier. En entreprise, comment accompagner ces ajustements sans perdre les talents ?

Laurence Mathieu :

En effet, il n’est pas toujours nécessaire de changer de poste pour se réaligner. Parfois, il s’agit d’ajuster les missions ou d’ouvrir de nouvelles perspectives au sein même de l’entreprise. Encore faut-il que l’organisation sache repérer les moments où une personne est traversée par des questionnements, une saturation. 

C’est là que le rôle du manager est clé. Sa capacité à observer qu’une personne semble moins impliquée ou moins épanouie est vraiment cruciale pour intervenir à temps. Malheureusement, les entretiens annuels et/ou professionnels sont rarement utilisés de façon aidante face au manque de motivation d’une personne. On y parle plus souvent performance que parcours ou projet d’évolution. Bien entendu, l’évaluation au poste de travail est fondamentale, mais ces moments sont très utiles également pour prendre du recul, écouter, interroger les envies, ouvrir la discussion. 

Même dans les petites structures, il peut y avoir des marges d’action. J’ai souvent observé que confier une mission transversale, comme le suivi de la politique RSE ou la gestion du suivi qualité, peut permettre à un·e collaborateur·rice de retrouver de l’intérêt pour ses activités sans changer de fonction. L’important, c’est avant tout d’ouvrir cette discussion avant que la lassitude ne s’installe définitivement.

Interviewer : Comment les RH et les managers peuvent-ils détecter qu’un collaborateur s’est éloigné de sa voie, ou que son feu s’éteint ?

Laurence Mathieu :

Je parle volontiers d’envie ou même de désir, celui qui évoque l’élan intérieur. Quand cet élan se tarit, ça se voit, ça se sent. Il y a en règle générale, une forme d’apathie, d’aigreur, de lassitude. Bien entendu le risque d’absentéisme croît au fur et à mesure que la lassitude s’installe. 

Ce désengagement peut prendre des formes très différentes selon les personnalités. Il semble donc essentiel que les managers aient des espaces réguliers d’échange avec leurs collaborateurs pour pouvoir détecter ce qui ne va pas et oser poser la question : qu’est-ce qui se passe pour toi en ce moment ? Comment tu te sens dans ton travail ? 

Cela demande une certaine culture du dialogue et de l’observation. Une personne qui a perdu le sens de ce qu’elle fait, finit par s’éteindre et cela coûte à tout le monde : à l’entreprise, à l’équipe, et à la personne elle-même, parfois assez lourdement en termes de souffrance morale.

Interviewer : Quels sont les freins les plus fréquents à la reconnexion à soi dans le cadre professionnel ? Et comment peut-on les lever ?

Laurence Mathieu :

Le frein le plus courant, ce sont les peurs; au rang desquelles on peut compter celles de ne pas y arriver, de lâcher une sécurité matérielle, de quitter un environnement connu. Les personnes sont parfois soumises à des injonctions familiales ou sociales. Ainsi: certains choisissent une voie “raisonnable” ou “socialement désirable” plutôt qu’une voie alignée avec ce qu’ils aiment profondément. J’ai en tête l’exemple d’un ingénieur qui aurait adoré être garagiste, mais qui a suivi la trajectoire attendue par ses parents. Certes il fait de la mécanique mais dans le domaine nucléaire et s’ennuie profondément. C’est clair pour lui mais il n’a pas encore changé de travail car sa situation familiale exige qu’il maintienne son niveau de salaire actuel. Alors en attendant, il s’est porté volontaire pour faire des maraudes au SAMU social, et cela lui apporte beaucoup de satisfactions.

Dans les phases de saturation, les personnes expriment prioritairement ce qu’elles ne veulent plus, mais pas encore ce qu’elles aimeraient vraiment faire. Et plus elles sont lasses, moins elles y voient clair. Cela peut provoquer chez elles de la panique, une impression de vide, de confusion. Se reconnecter à soi demande donc du discernement… Être accompagné permet de s’offrir un espace pour structurer sa réflexion en faisant notamment le tri dans ses pensées. 

C’est précisément ce que permet un bilan de compétences. Les gens arrivent quand « il fait noir », et l’objectif, c’est qu’à la fin « il fasse jour ». Nous pratiquons un inventaire de compétences et explorons également ce que la personne aime, ce qui la met en mouvement, ce qui pourrait redonner du sens à son quotidien.

Interviewer : Est-ce que les politiques RH ont un rôle à jouer dans la façon dont les salarié·es retrouvent du sens dans leur parcours ?

Laurence Mathieu :
Oui, bien sûr. Le rôle des RH est essentiel pour créer les conditions d’un dialogue ouvert sur l’évolution professionnelle. Cela commence par un soutien à porter aux managers : leur apprendre par exemple à repérer une personne qui semble moins investie, savoir poser des questions, nourrir une culture du feedback… Tout cela aide les salarié·es à mieux comprendre où ils en sont et à retrouver de la clarté sur leurs envies.

Les entretiens professionnels peuvent aussi être des leviers puissants. Il s’agit alors d’interroger la suite professionnelle du salarié : comment la personne se projette, ce qu’elle souhaite développer, ce qui la motive.
La formation est également un levier important. Bien entendu il faut veiller à la cohérence entre les besoins de l’entreprise et les aspirations individuelles. 
Et même dans les petites structures, où les moyens sont plus restreints, la qualité des relations permet parfois d’avoir des échanges simples et sincères sur ces sujets.

En résumé, oui, les politiques RH ont toute leur place dans cette quête de sens au travail.

Interviewer : Comment sait-on que l’on a trouvé sa voie ? Existe-t-il des outils pour en avoir la confirmation ?

Laurence Mathieu :

Les inventaires de personnalité, les tests liés aux sources de motivation pratiqués dans les bilans de compétences, peuvent aider à mieux se connaître. Selon moi, le plus grand indicateur à prendre en compte reste … l’énergie. 

 

Quand nous sommes à la bonne place, le travail devient fluide, peu coûteux en effort. Bien sûr, il y a toujours des tâches moins plaisantes, mais globalement, il y a de l’enthousiasme à faire.

Même si dans notre société nous passons beaucoup de temps à l’ignorer, notre corps parle aussi. Les personnes qui viennent en accompagnement portent souvent des symptômes qu’ils soient physiques ou émotionnels. Ce mal-être dit quelque chose, comme si votre corps vous envoyait un mail à lire absolument. À l’inverse, quand un projet nous fait vibrer, ça se voit immédiatement : dans le ton, dans les yeux, dans le souffle. 

Alors l’outil le plus puissant reste souvent notre propre ressenti.

Interviewer : Si tu devais partager une clé, un premier pas pour aider quelqu’un à trouver — ou retrouver — sa voie au travail, ce serait quoi ?

Laurence Mathieu :

Je recommande une lecture que je trouve précieuse : « Trouve le verbe de ta vie » de Sarah Roubato. L’autrice invite à réfléchir prioritairement à un verbe plutôt qu’un métier : accompagner, transmettre, relier, soigner… Celui-ci caractérise notre réel savoir faire ou mission, suivant comment on le nomme. Une fois qu’on le tient, ce verbe-là peut ensuite se décliner dans de nombreux contextes qu’il est important d’explorer. C’est souvent une très bonne porte d’entrée pour ouvrir le champ des possibles.. 

 

Vous l’aurez compris, mon verbe est d’accompagner  !