La crise Covid-19 a touché plus de 890.000 entreprises et a impacté ainsi leur activité et leur organisation du travail.
Comment imaginer qu’après le confinement, le travail va se dérouler comme avant ? Et comment imaginer pouvoir retrouver nos équipes comme avant ?
Comme l’indique DIDIER LE BRET, Diplomate français :
« La meilleure gestion de crise ne peut faire l’économie d’une pause :
  • pour entendre le ressenti de chacun,
  • pour qu’émergent des propositions et des idées nouvelles,
  • pour s’assurer que le groupe adhère toujours au projet collectif,
  • enfin, pour que personne ne reste au bord du chemin. »
Il est urgent de prendre soin de nos équipes : l’humain est cœur de l’entreprise, il doit être notre priorité si nous souhaitons bâtir un nouveau monde d’après.

Gestion des risques

Pour expliquer et illustrer la nécessité de ce SAS, nous avons interrogé Jean-François BATTESTI (cliquez ici pour voir la vidéo). Il accompagne depuis 35 ans les entreprises clientes dans la gestion de leurs équipes, et dirige aujourd’hui le cabinet RH PARTNERS, à Toulouse avec 15 personnes.

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.Dans cette période de déconfinement que se passe-t-il dans ce que nous pouvons appeler « le jour d’après » ? Et que se passe-t-il pour le chef d’entreprise, ses managers, et leurs équipes ?

Avant de parler du « jour d’après », il nous faut observer le « jour d’avant » ainsi que le « jour d’avant-hier ».

Le « jour d’avant-hier » : c’est nous pétris de certitudes, êtres rationnels avec des ambitions très fortes et d’un coup, c’est nous qui basculons dans l’inconnu, la crise sociale, la crise économique, peut-être la crise sociétale.

Le « jour d’avant » : c’est celui où nous nous retrouvons face à une pandémie qui fait tout basculer. Nous vivons, nous et nos salariés, une rupture brutale, sans concession, avec une perte d’équilibre, et nos repères traditionnels sont brisés.

On découvre, dans ce basculement, l’incertitude, la peur de la maladie et de ses conséquences. On se retrouve d’un seul coup dans la promiscuité familiale, l’éloignement professionnel, voir l’isolement, ou le repli. 

Voilà ce qu’est le « jour d’avant ».

Il faut prendre également en considération que pendant cette période il y a eu également des inégalités. Dans les traitements, dans les vécus, dans les ressentis, des inégalités dans le contexte familial, des inégalités économiques, peut-être logistiques, professionnelles… Et certains ont réagi avec une certaine agilité, une adaptabilité, et d’autres ont vécu une vraie tragédie.

Certains ont profité de ce moment pour faire de l’introspection et se bâtir, ou se reconstruire autrement ou différemment. Et d’autres ont glissé lentement dans un état de « déstructuration ». 

Donc non ! Le jour d’après n’est pas comme hier, ni avant hier. Non! on ne rentre pas non plus tranquillement et passablement de deux mois de congé sabbatique.

Le jour d’avant est véritablement très différent de ce qu’on va vivre.

Est-il donc nécessaire d’avoir un sas de décompression ?

Oui, il peut être nécessaire. Le but est d’organiser, entre deux états de pression très différents, des paliers de décompression comme en plongée.

SAS de décompression

Quel est le principe d’un SAS de décompression ?

Restons sur le parallèle avec la plongée.

À 20 mètres de profondeur, un plongeur est soumis à une pression atmosphérique qui est 3 fois supérieure à la pression atmosphérique de la surface ; ce qui signifie que s’il remonte à la surface de façon trop rapide, ses poumons n’ont pas le temps d’absorber le surplus d’azote inhalé dans la profondeur, ses organes vitaux ne sont plus oxygénés et c’est l’accident. Pour éviter cela, on prévoit donc un ou plusieurs paliers de décompression, de façon à ce que le corps se réhabitue à la nouvelle situation.

 

Et bien comme le corps, le cerveau a besoin de se réaccoutumer à un rythme, à une organisation, à des règles, à des process qui sont en place, à un management qui cette fois-ci est présent, et plus globalement à une vie sociale.

Ce qui veut dire que passer d’un périmètre familial – plus ou moins perturbé certes – mais où l’on pouvait trouver quand même une forme de liberté, d’horaires, de rythme, d’interaction… Pour se replonger dans un environnement verticalisé, pyramidal, structuré, avec un management de proximité, et bien c’est se soumettre à une immersion très différente et pour laquelle il peut y avoir des appréhensions.

Si aujourd’hui, à l’heure où je vous parle, il y a beaucoup de salariés qui ne retrouvent pas physiquement le lieu de travail, c’est d’une part pour des questions de sécurité, mais aussi à cause d’une certaine forme d’appréhension.

Comment fonctionne ce sas de décompression et quels sont ses objectifs ?

Le but est de reconstruire collectivement une cohésion d’équipe. Reconstruire également les conditions d’une performance qu’on se doit de retrouver et réfléchir ensemble sur les réaménagements de la vie d’après.

 C’est aussi, par la parole, par l’échange constructif, qu’il sera possible de dissiper la peur et l’appréhension du lendemain ; que ce soit la peur sanitaire ou que ce soit la peur économique, même si elle est réelle.

 

Ce que nous faisons chez nos clients ? Nous réunissons l’ensemble d’une équipe et leur manager, puis nous mettons chacun d’eux en situation d’expression.

La première étape est d’organiser une expression libre autour d’un questionnement très ouvert. Les questions peuvent être par exemple :

  • Quelles sont vos préoccupations ?
  • Quelles sont vos peurs ?
  • Quelles sont vos appréhensions ?

L’objectif est de pouvoir exprimer son vécu : ce qui a été facile pendant le confinement, et ce qui a été plus difficile.

La deuxième étape encourage l’expression autour de la question centrale :

  • Que peut-on tirer à la lumière de ce que l’on a vécu, quel enseignement pour demain ?

L’objectif cette fois est de construire aujourd’hui un lendemain qui sera légèrement différent dans son organisation du travail, dans l’aménagement des espaces, en délégation et en organisation du télétravail, etc.

J’ajouterais qu’il est important de poser les bonnes questions, y compris les questions qui fâchent, les questions qu’on n’aime pas poser. C’est pour cela que d’une façon générale, un intervenant extérieur peut être régulateur dans les questionnements et dans l’accueil et la gestion des réponses. Il est également important de noter que le manager n’a pas à répondre à tout, et à lui aussi d’accepter d’être vulnérable, d’avoir vécu cette situation difficilement, d’avoir lui-même ses propres appréhensions et ses propres craintes. Et ainsi donc, mettre tout le monde à niveau devant cet inconnu que nous défrichons au fur et à mesure de la séance.

Mais si l’on investit du temps dans un SAS quel gain pouvons-nous en attendre ?

Dans un premier temps, vous évitez le « caisson de décompression ». Le « caisson de décompression » est brutal, il sert en général à traiter des victimes. En lieu et place, grâce au « sas de décompression » vous recréez le collectif, la confiance, la cohésion et de l’envie d’être de nouveau ensemble.

Quelles sont les conditions de réussite d’un sas de décompression ?

La première condition est de le mettre en place assez vite, ne pas trop attendre et faire en sorte que tout le monde soit concerné, y compris le manager.

 La deuxième c’est avoir dans le questionnement une préoccupation fondamentale qui est celle des besoins de collaborateurs.

 Et puis la troisième, c’est plus généralement, de rester humble devant l’inconnu : essayer, réessayer, inventer… C’est considérer que devant ce qui nous arrive aujourd’hui, nous apprenons tous ensemble au fur et à mesure de cette crise et que nous sommes donc sur un pied d’égalité.

Avez-vous un dernier mot à nous dire ?

Prenons soin de nos équipes, et non, aujourd’hui n’est pas comme hier !